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  • Aure-Elise Laforgue

CHAPITRE DIX

C O V I D E D I T I O N #2

Hier était une sale journée. Je l'ai passée à tout remettre en question. Ma vie, mes amours, ces dix dernières années. Mais surtout, je questionnais ma pratique de la Photographie. Plus je regardais mes images et moins elles avaient d'intention ou d'attrait. Je les trouvais toutes plus nulles et inintéressantes les unes que les autres. J'en arrivais à me demander pourquoi je photographiais et si je devais réellement continuer.

En un mot comme en cents, plus rien n'avait de sens.

C'était le bordel dans ma vie, c'était le bordel dans mon appart', c'était le bordel dans ma tête.


J'en ai parlé à un ami. Il m'a alors envoyé un podcast sur la Confiance en Soi. Je me suis demandée pourquoi ou comment je l'avais perdue. Ou si j'en avais jamais eue... J'ai essayé de remonter aux débuts, pour essayer de comprendre pourquoi j'en étais arrivée là. Je me suis rappelée toutes les paroles de mon ex sur mon corps, tous les complexes qu'il a lentement incrustés dans mon esprit. Comment j'étais trop ceci et pas assez cela. Tout simplement parce qu'il était complexé par son propre corps. Je me suis souvenu des paroles de mes parents. De toutes ces fois où ils m'ont dit que l'Art, ce n'était pas un métier. Que c'était juste une passion et que l'on ne pouvait pas en vivre. Qu'il fallait que je garde les pieds sur terre, et que j'envisage de grandes études en fac et des carrières plus réalistes qui me permettraient de payer mon loyer. Je me suis rappelé de ce jour où l'un de mes professeurs de BTS m'a dit que j'étais la dernière personne qu'il aurait vue travailler dans un labo plutôt que dans un studio photo. Je me suis revue lui répondre qu'il fallait bien que je m'y résigne, que j'étais bonne en tout mais excellente en rien.

Je me suis rendue compte qu'en arrivant en région parisienne, j'étais fragilisée. Ma confiance en moi, en mes capacités, présentait quelques craquelures. J'étais seule, ma famille et mes amis étaient tous dans le Sud, mes seules relations ici étaient les gens que je côtoyais dans mon travail. Et parmi elles, mon patron. Il était ce genre de personne qui ne supporte pas qu'on ne l'admire pas. Il se pensait intéressant, parlait pour ne rien dire, aimait s'écouter parler et se perdait (et vous par la même occasion) dans ses digressions. Malheureusement pour moi, et comme on me l'a fait remarquer, je n'ai pas l'admiration facile. En bon cliché du pervers narcissique qu'il était, il a voulu avoir une emprise sur moi mais n'y arrivait pas. Alors il m'a prise en grippe, a vu la faille et en a profité. Et petit à petit, de remarques désobligeantes ou sexistes en humiliations, il m'a brisée en mille morceaux.

Maintenant, j'essaie tant bien que mal de me reconstituer mais cela reste vraiment compliqué.

Le podcast m'a fait du bien cinq min. Puis les retours sur mes photos sont arrivés. C'est de ma faute, après tout.Je les avais demandés en story sur Instagram, je les ai eus. Plus ou moins. Sur les cent vingts personnes qui ont vu la story, seulement six ont répondu. Parmi ces six, deux étaient réconfortants, l'un était ma mère, l'un me faisait presque passer pour une nana en manque d'attention en me demandant pourquoi j'avais autant besoin d'un avis sur mes photos, l'un m'expliquait que j'étais irrationnelle et le dernier m'a globalement dit que le problème ne venait pas de mes photos mais de moi puisque je ne fais pas de portrait ou de mariage comme tout bon photographe qui se respecte.

Alors j'ai pleuré.

Beaucoup.

Dès que j'arrivais à me calmer, à peu près... ça recommençait.

Puis j'en ai eu marre alors j'ai agi sur la seule chose à portée de main : j'ai essayé de ranger mon appartement. J'ai commencé par changer mes draps, parce qu'il paraît que faire son lit, ça aide quand on est en dépression. Puis j'ai tiré mon lit parce que des stylos et autres chouchous étaient tombés entre celui-ci et le mur. J'ai tenté de les attraper par dessus le rebord et je me suis fait mal à l'épaule. Je me suis laissée tomber sur le lit en position assise. J'ai attrapé mon épaule pour la masser, et j'ai pleuré en fixant le dehors.

J'ai pensé que ma journée (que dis-je ?, ma vie !) était vraiment de la merde.

Puis je me suis dit que ça ferait une bonne photo, une bonne illustration de ce qu'est le désespoir.

Alors, peut-être par réflexe, sans comprendre ce qui m'animait, je l'ai fait... J'ai pris la photo.

Pour immortaliser ce moment.

Pour toujours me souvenir de ce foutu jour où j'ai touché le fond.



Plus tard, mon esprit était toujours au bord du gouffre, mon ventre gonflé par trois jours à bouffer des pâtes parce que j'avais la flemme (et la non envie) de cuisiner. J'avais les cheveux gras et en bataille, la gueule pleine de boutons, les yeux boursouflés d'avoir pleuré...

Mais la lumière était cool...

Alors je me suis autoportraitisée.

Seule.

Nue.

Fragile.

Fidèle à cet instant T.


Bref, j'ai survécu à cette journée merdique, j'ai dormi comme un caillou, je me suis réveillée avec un mal de crâne et les yeux éclatés. Je me pose toujours un milliard de questions mais globalement, ça va mieux.

Et si jamais vous vous demandiez à quoi peut bien ressembler un "artiste maudit", en voici un parfait exemple...

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EPILOGUE

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